Engie, Dassault Aviation, M6, la Coface, Amundi, le Crédit Agricole, Bouygues... Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à renoncer à verser un dividende ou à décider de le réduire pour mieux affronter la crise du coronavirus.

Face à la crise du coronavirus, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à renoncer à verser un dividende ou à décider de le réduire. L'objectif étant de préserver leur trésorerie et de ne pas se priver le cas échéant des aides de l'Etat, qui sont conditionnées au non-versement d'un dividende.

Dans la seule journée de mercredi, Engie, Dassault Aviation, M6, Bouygues et ses filiales TF1 et Colas ont annoncé qu'ils renonceraient à verser un dividende cette année (au titre de l'exercice 2019). Bouygues a précisé qu'il se donnait la latitude de "réévaluer la situation en août". Ces noms viennent s'ajouter à une liste déjà longue, comprenant notamment ADP, Nexans, Airbus, Safran, JCDecaux, Tarkett, Autogrill, Partouche, Auchan Holdings, Altice, Europcar Mobility et GL Events.

Ces annonces se sont accompagnées de renoncements aux objectifs financiers des entreprises pour 2020, désormais remis totalement en question par la pandémie de coronavirus, qui conduit à une paralysie de l'économie, dont la durée et l'impact sont difficiles à estimer.

La BCE prie les banques de privilégier leurs clients à leurs actionnaires

Parmi les banques et autres sociétés financières, Société Générale, Natixis, Crédit Agricole SA, Amundi, Coface et CNP Assurances ont renoncé à distribuer un dividende. La BCE, relayée par les banque centrales nationales, a demandé aux banques de la zone euro de ne pas rémunérer leurs actionnaires afin de se concentrer sur le soutien aux acteurs économiques via des prêts.

D'autres entreprises ont opté pour une réduction du dividende, dont Bic, Lagardère et Unibail-Rodamco-Westfield, Veolia Environnement, Plastic Omnium et Michelin. D'autres encore ont maintenu cette rémunération, au vu de la solidité de leur bilan, par optimisme sur une reprise rapide de l'activité, et pour ne pas risquer de nouvelles ventes de la part d'actionnaires mécontents.

Bercy a interdit le cumul des aides publiques et des dividendes

Le 27 mars, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé l'interdiction de cumuler les aides publiques (report de charges et impôts) liées au coronavirus avec le versement des dividendes, sous peine de sanctions.

Bercy refusera aussi aux entreprises qui auront versé des dividendes de bénéficier de la garantie de l'Etat pour de nouveaux emprunts bancaires. Par ailleurs, les employeurs qui bénéficieront du dispositif de chômage partiel financé par l'Etat ont été appelés à "la plus grande modération" en matière de dividendes.

Les banques anglaises également privées de dividendes

Au Royaume-Uni, les grandes banques ont annoncé mercredi un gel de la distribution de dividendes, à la demande de la Banque d'Angleterre. Barclays, HSBC, Lloyds, Royal Bank of Scotland, Natwest et Standard Chartered se sont toutes pliées à cette demande.

En Europe comme aux Etats-Unis, les analystes financiers commencent à intégrer le scénario d'une crise durable liée à l'épidémie de Covid-19. Celle-ci va non seulement laminer les bénéfices des entreprises mais aussi réduire, voire suspendre le versement de dividendes ainsi que les programmes de rachat d'actions. Autant de facteurs qui pourraient entraîner une rechute des marchés boursiers dans les prochaines semaines.

Vers une forte baisse des bénéfices des entreprises

Dans une étude consacrée aux entreprises américaines versant des dividendes, l'analyste de Goldman Sachs, Cole Hunter, a estimé mardi que les dividendes du S&P 500 allaient reculer de 20% en 2020. Toujours aux Etats-Unis, les analystes tablent désormais sur une baisse de 9,6% des bénéfices des sociétés du S&P 500 au deuxième trimestre et à un recul de 2% sur l'année, selon le consensus IBES Refinitiv. Des données sans aucun doute appelées à être révisées en nette baisse...

En Europe, le responsable de la stratégie actions de Barclays, Emmanuel Cau, s'attend à un plongeon d'environ 40% des bénéfices par action des entreprises européennes cette année, avant un rebond en 2021. La baisse des dividendes devrait être de même ampleur, estime-t-il dans une note publiée mercredi.

Aux Etats-Unis aussi, les aides publiques sont conditionnées

Comme le plan de soutien français, le plan américain de 2.200 milliards de dollars (baptisé CARES : Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security) prévoit que les société ayant bénéficié d'une aide de l'Etat devront renoncer à verser des dividendes.

Ainsi, les sociétés américaines ayant bénéficié d'emprunts garantis par l'Etat ne pourront plus verser de dividendes avant d'avoir remboursé en totalité ces prêts. Mais même les sociétés n'ayant pas besoin de recourir à ce soutien public seront tentées de réduire leurs dividendes et leurs rachats d'actions afin de conserver de la trésorerie pour faire face à la crise actuelle.