Donné pour mort il y a un an après le retrait des Etats-Unis, l'accord de libre-échange transpacifique (TPP) renaît de ses cendres cette semaine et sera signé jeudi par 11 pays d'Amérique et d'Asie, un signal fort face aux tentations protectionnistes.

Le traité avait pourtant été promu par Washington, sous la présidence de Barack Obama, et signé en février 2016 après des années de négociations entre 12 pays ayant un accès sur le Pacifique: les Etats-Unis, l'Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam.

Mais avant son entrée en vigueur, Donald Trump avait annoncé le retrait de son pays, mettant en péril l'ambitieux accord, censé englober 40% du PIB mondial et presque 25% du commerce international.

Chargé de mener la délégation chilienne aux négociations, Felipe Lopeandia se souvient qu'au moment de cette annonce-choc, "il y a eu immédiatement un engagement très fort de tous sur la nécessité de donner un signal politique au monde et aux Etats-Unis qu'il s'agissait d'un bon accord (...) et donc, que nous n'allions pas rester immobiles après la décision de Trump".

Un an plus tard, à Santiago du Chili, l'accord, désormais appelé Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP pour son sigle anglais), sera signé jeudi, avec la quasi-totalité des dispositions du texte original, sauf celles portant sur la propriété intellectuelle imposées par Washington.

A contre-pied du protectionnisme

Cette signature arrive à contre-pied du parfum protectionniste ambiant, au moment où Trump vient d'annoncer des droits de douane pour l'acier et l'aluminium, risquant de déclencher ainsi une guerre commerciale.

"Cela redonne une certaine confiance dans la capacité du régionalisme ou de différents pays à avancer dans des accords importants", explique M. Lopeandia.

Difficile toutefois de négliger le coup dur qu'a représenté le départ des Etats-Unis: le nouveau texte ne porte plus que sur 15 à 18% du PIB mondial. Mais "ce n'est pas non plus n'importe quel accord. C'est l'accord le plus moderne jamais signé au niveau mondial", affirme Ignacio Bartesaghi, professeur de la faculté de sciences de l'entreprise de l'Université catholique d'Uruguay.

"Il n'y a aucun accord commercial impliquant une telle quantité de pays et parvenant à avoir 30 chapitres qui traitent des questions les plus modernes du commerce international", ajoute-t-il.

Conçu par Washington comme moyen de freiner l'influence croissante de la Chine dans le commerce mondial, le TPP était ensuite devenu la bête noire de Trump, qui s'était inquiété du danger pour "les travailleurs américains".

Pourtant, fin janvier, il a entrouvert la porte à un retour de son pays, précisant que cela nécessiterait d'abord d'obtenir "un bien meilleur accord" que le nouveau pacte, "horrible" à ses yeux.

"Peu à peu, ses conseillers sont parvenus à ce que Trump se rende compte du rôle que jouent les Etats-Unis en Asie-Pacifique et du rôle joué par le TPP dans cette région, pas seulement en termes économiques et commerciaux, mais aussi géopolitiques", explique M. Bartesaghi.

"Un nouveau standard"

Mais le Japon s'est montré sceptique.

"Si les Etats-Unis reviennent à une attitude plus positive à l'égard du TPP, c'est quelque chose que nous accueillerons favorablement" mais "ce ne serait pas si facile" de modifier encore l'accord, a déclaré Kazuyoshi Umemoto, en charge des négociations pour le gouvernement japonais.

L'accord prévoit une levée des barrières douanières et des barrières non-tarifaires, comme la mise en place de normes communes dans plusieurs secteurs d'activités, entre ces 11 pays rassemblant près de 500 millions de personnes.

Pour le ministère chilien des Affaires étrangères, "le CPTPP établira un nouveau standard pour d'autres accords d'intégration économique régionale, y compris pour de futures négociations au sein de l'OMC (Organisation mondiale du commerce, ndlr) ou de l'Apec (Forum de l'Asie-Pacifique, ndlr)".

Une fois signé, l'accord entrera en vigueur 60 jours après sa ratification par au moins six des 11 pays.

Pour le Chili, "cela signifie une augmentation de notre marché potentiel et la possibilité, pour notre population, d'accéder à un plus grand nombre de produits", souligne Mario Mongilardi, président de la Chambre de commerce de Lima.

Le pays sud-américain destine 17% de ses exportations à des économies du CPTPP. Même s'il a déjà des accords de libre-échange avec certains des 11 pays, ce nouvel accord améliorera ses conditions d'accès à ces marchés, avec par exemple un millier de produits exclus de son alliance avec Japon désormais moins taxés.