"On ne va pas forcément mieux (...), il y a encore une douleur permanente": deux ans ont passé mais pour Emilie Petitjean, qui a perdu un fils le 14 juillet 2016, comme pour de nombreuses victimes de l'attentat de Nice, les cicatrices sont loin d'être refermées.

"Le jour de la naissance de Romain, je suis venue travailler, mais je suis repartie au bout d'une heure parce que j'étais effondrée", poursuit la mère de famille, dont le fils de 10 ans a été fauché il y a deux ans par le camion lancé dans la foule par Mohamed Lahouaiej Bouhlel.

"Deux ans après, beaucoup d'enfants et de parents vont mieux, mais un certain nombre a chronicisé des symptômes d'ordre psycho-pathologique, souvent associés à des difficultés psycho-sociales", explique Florence Askenazy, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Lenval de Nice.

Sur le millier d'enfants suivis pour des soins depuis deux ans, 350 nécessitent encore une prise en charge, notamment "de très jeunes enfants qui présentent une symptomatologie liée au stress post-traumatique auquel les bébés sont plus vulnérables", poursuit-elle.

"Depuis cette nuit-là, on se bat", témoigne Rosa, une Franco-Portugaise de 60 ans: "On nous dit +Maintenant, il est temps d'avancer+, mais nous, on n'y arrive pas, on voudrait bien, avancer, tourner la page. Mais dites-nous comment on peut oublier ce qu'on a vécu cette nuit-là!".

Magali, qui revoit encore les gens essayer de "grimper à un palmier" pour échapper "au camion qui accélérait et fonçait sur les poussettes", abonde: "Je suis suivie par un psychiatre depuis deux ans, j'ai dû avaler tous les antidépresseurs et les somnifères possibles, je ne dors plus que trois heures par nuit parce que je me réveille en hurlant, j'ai l'impression que les corps sont autour de mon lit".

"La culpabilité du survivant"

Pour Anne Murris aussi, "la souffrance est permanente". Mais celle qui a perdu sa fille de 27 ans dans l'attaque refuse de "rester sur du négatif". Avec l'association Mémorial des Anges qu'elle préside, elle se bat, en partenariat avec la ville de Nice, pour la création d'un centre de ressources consacré à la mémoire des victimes et à la prévention de la radicalisation. 

A l'association Promenade des Anges, qu'il dirige, Yassine Bourouais a lui aussi toujours en tête le camion qui l'a frôlé, "avec une personne à l'intérieur qui grinçait des dents et tenait bien le volant".

"Après l'attaque, j'ai passé trois heures à transporter des corps et aujourd'hui j'agis toujours de la même manière. Le seul progrès que j'ai fait, c'est que j'ai compris deux ans après que j'agissais avec la culpabilité du survivant", avance-t-il. Aidée notamment par la Délégation interministérielle à l'aide aux victimes (DIAV), Promenade des Anges met en place des projets comme l'équithérapie, pour les enfants.

Et l'association vient aussi, pour que "lumière soit faite", de se constituer partie civile dans les deux instructions en cours, l'une menée à Paris sur l'attentat lui-même, et la seconde, à Nice, sur d'éventuelles failles dans le dispositif de sécurité mis en place le soir de l'attaque.

L'attentat avait fait 86 morts et des centaines de blessés -- 206 selon le fonds de garantie qui indemnise les victimes et leurs proches, soit un chiffre finalement moindre que celui avancé dans les jours qui avaient suivi l'attaque (plus de 400). A l'heure actuelle, à ces blessés, mais aussi à ceux qui ont été psychiquement touchés et aux proches de toutes les victimes, soit à plus de 2.100 personnes en tout, le fonds a déjà versé 37,6 millions d'euros. Le plus gros sera toutefois soldé quand le nombre de victimes aura été "consolidé", avec un montant total évalué au final à 250 millions d'euros.

Edouard Philippe participera samedi à une cérémonie d'hommage aux victimes de l'attentat.