Six collégiens à bord du car ont trouvé la mort et 17 ont été blessés dont huit très grièvement. La conductrice du bus, Nadine Oliveira, 53 ans, est jugée depuis lundi pour homicides et blessures involontaires à Marseille, dont le tribunal dispose d'un pôle spécialisé en accidents collectifs.

"Les barrières étaient fermées, le car arrive une fraction de seconde après. Je le vois pousser la barrière, la tordre, je me dis qu'il va reculer, s'en apercevoir sauf que je le vois avancer faiblement", a décrit à la barre Marilyn Vandeville, 40 ans, qui était aux commandes du train ayant percuté le car scolaire à un passage à niveau le 14 décembre 2017.

"Il ne s'est jamais arrêté, il a continué à faible allure, je suis restée sur cette image", a-t-elle ajouté, décrivant son "sentiment d'impuissance". "Barrières fermées ou ouvertes, c'était la même chose, le choc était inévitable", a encore souligné la jeune femme, longue chevelure châtain et veste verte.

Un ressenti partagé par le conducteur instructeur qui était à ses côtés dans la cabine ce jour-là: "Je perçois ce bus sur la droite et je le vois pousser la barrière mais de manière très lente", a témoigné Thierry Madeira, 56 ans. Cette lenteur "m'a frappé", a-t-il ajouté.

"On était impuissant, on a fait ce qu'on avait à faire", a relevé ce grand homme chauve, vêtu d'un t-shirt blanc, qui s'exprime avec pudeur. "Les freins (du train) se mettent en action et on est obligé d'attendre".

"Quand j'ai vu que le bus poussait la barrière, je me suis dit +qu'est-ce qu'il fait+, je n'ai pas réfléchi, j'ai actionné le freinage d'urgence et j'ai sifflé", avait expliqué à la barre juste avant Mme Vandeville.

"J'ai sifflé longuement en espérant que le bus accélère et dégage la voie, tout cela se passe très rapidement", a complété la conductrice, alors en formation, qui conduisait pour la troisième fois sur cette ligne de TER reliant Villefranche-de-Conflent à Perpignan.

- "Il fallait que ce bus parte" -

A la question, cruciale pour déterminer la responsabilité de la conductrice du car, de savoir si les barrières du passage à niveau étaient baissées: "Je suis catégorique et affirmative, la barrière était baissée", a martelé Mme Vandeville. A ce moment-là, Nadine Oliveira, tête baissée, détourne complètement la tête.

Les expertises techniques menées durant l'instruction concluent que la conductrice du bus, qui avait l'habitude de ce parcours mais n'avait jamais été confrontée au passage d'un train, a forcé "la demi-barrière fermée dudit passage à niveau alors qu'un train express régional arrivait".

"Notre conclusion, c'est que le passage à niveau était normalement fermé quand le train est arrivé", ont confirmé à la barre les deux experts ferroviaires indépendants chargés d'un rapport sur le fonctionnement du train et du passage à niveau.

Marilyn Vandeville est restée dans la cabine de pilotage jusqu'à l'impact: "J'avais ce bus et il fallait qu'il parte". 

Thierry Madeira a espéré jusqu'au bout que la collision ne se produise pas: "la barrière continue à se tordre", avec Marilyn, on comprend "que le bus ne va pas s'arrêter", s'est-il souvenu avec émotion. "On a crié en même temps".

Juste avant l'impact, il se jette dans le sas jouxtant la cabine, pour se protéger.

"Je me souviens de l'endroit exact où j'ai tapé. Pour moi, j'ai vu une silhouette et le reste du bus était vide", s'est également remémorée, sans faillir, Marilyn Vandeville.

"Avec les sirènes, l'hélicoptère, on a compris que le bus était plein d'enfants", a ajouté la conductrice, elle-même mère de deux enfants, qui dit "ne plus fêter Noël comme avant".

"On n'oublie jamais rien, on vit avec", a poursuivi la jeune femme, toujours conductrice SNCF, qui a été "longtemps hantée" par le léger retard du train ce jour-là.