A Mayotte, la population vit dans l'angoisse depuis qu'un phénomène de séismes en essaim sévit depuis un mois, provoquant jusqu'à des dizaines de secousses telluriques par jour. 

Une habitante de Mamoudzou a dû quitter sa chambre, lézardée par des fissures de plusieurs mètres et qui laissent passer le jour. "C'est l'angoisse, je ne dors pas tellement", témoigne-t-elle auprès de l'AFP, racontant que sa mère, âgée de 80 ans, est depuis "très agitée". Sa belle-fille, Bridget, renchérit : "Si ça s'arrêtait, on pourrait souffler un peu".

Depuis le 10 mai, la préfecture de Mayotte a comptabilisé plus de 1.400 secousses dont plus de 20 de magnitude supérieure à 5 et plus de 140 de magnitude supérieure à 4, avec des pics comme le 4 juin où 25 séismes de magnitude supérieure à 4 ont été enregistrés en 24 heures. Le 15 mai, la plus forte secousse jamais recensée dans l'île a été enregistrée à une magnitude de 5,8.

En cause : une activité tectonique avec "une composante volcanique potentielle", à l'origine de secousses dont l'épicentre est situé à environ 50 km à l'est de Mamoudzou, selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). 

Cette activité déclenche un phénomène "inédit" sur ce territoire jusqu'ici classé en niveau 3 de sismicité (modérée): des séismes multiples et "imprévisibles", comme l'a rappelé le lieutenant-colonel Galichet, de la sécurité civile au ministère de l'Intérieur, lors d'une réunion début juin. 

"La durée de l'essaim est impossible à prévoir", confirme le BRGM sur son site, une caractéristique qui n'est pas de nature à rassurer les populations, d'autant qu'il n'est "pas possible d'exclure qu'un séisme de magnitude supérieure à celles déjà observées se produise". 

"Malheureusement, on est dans l'inconnu", reconnaît le directeur du BRGM à Mayotte qui note qu'un essaim de séismes qui s'inscrit dans la durée "avec de telles magnitudes, c'est rare".

"Psychose" générale

Les premiers jours, plusieurs centaines d'habitants ont quitté leur logement pour dormir dans la rue, comme Nissoiti, qui se demande "si les maisons vont tomber" et qui est prête à quitter temporairement l'île pour rentrer aux Comores, affirme-t-elle à l'AFP.

Une "psychose", selon les mots du directeur de l'Union départementale des associations familiales (UDAF), qui a poussé la préfecture à renforcer sa communication et l'Agence régionale de santé (ARS) à envisager la mise en place d'une cellule psychologique au sein de l'hôpital. 

Depuis le début de la crise, une quinzaine de personnes ont mobilisé les secours, pour "des crises d'angoisse" et des chutes dans les escaliers, rapporte Geneviève Dennetiere, médecin à l'ARS. Après chaque séisme, le SAMU reçoit une dizaine d'appels "de gens paniqués", ajoute-t-elle.

La préfecture a annoncé jeudi la mise en place d'un numéro d'appel pour "la prise en charge des angoisses et troubles psychologiques générés par les séismes". Une équipe de professionnels de santé spécialisés assure la réponse téléphonique.

"Ça peut durer quelques mois voire plus que quelques mois (...) Il faut s'habituer à vivre avec ça", préconise le lieutenant-colonel Galichet, insistant sur l'importance de "surveiller le bâti". 

Une mission du groupe d'intervention macrosismique, actuellement sur le territoire, a pour "objectif d'estimer les niveaux des dommages" en se rendant dans les 17 communes de l'île, explique la préfecture. 

Elle rendra un rapport à la commission interministérielle chargée de se prononcer sur le classement éventuel en catastrophe naturelle. 

"Un certain nombre de bâtis ou de structures ont été dégradés" chez les particuliers et dans le domaine public, admet la préfecture de Mayotte qui ne dispose pas encore d'assez d'éléments pour dresser un état des lieux des dégâts matériels. 

Cependant, dix familles ont été évacuées et relogées depuis le début de la crise sismique, indique-t-elle.

Du côté des établissements scolaires, des experts ont visité plus d'une dizaine de bâtiments du second degré, a déclaré le vice-rectorat de Mayotte à l'AFP. Plus d'une dizaine de salles de trois collèges ont été fermées "par précaution", certaines salles ont été étayées et deux étages d'un collège ont été "condamnés". 

Dans certains établissements, des horaires aménagés ont été mis en place afin que les élèves puissent continuer à avoir cours.