Moins d'un an après avoir rendu les armes, l'organisation séparatiste basque ETA s'apprête à annoncer sa dissolution, épilogue de près de 60 ans de luttes meurtrières qui n'ont pas réussi à créer un État indépendant des deux côtés des Pyrénées.

Selon plusieurs sources concordantes, Euskadi Ta Askatasuna ("Patrie basque et liberté"), à qui 829 assassinats sont imputés officiellement depuis sa création le 31 juillet 1959 en pleine dictature franquiste, devrait faire cette ultime annonce avant l'été.

Après le renoncement à la violence en octobre 2011, l'ETA avait annoncé en avril dernier son "désarmement total" et livré aux autorités françaises une liste de cache d'armes, un geste jugé insuffisant pour Madrid qui demandait à l'organisation de s'auto-dissoudre.

Dans le quotidien basque Gara, qui lui sert traditionnellement de tribune, l'ETA disait quelques semaines plus tard avoir lancé un débat interne sur son avenir, puis confirmé le mois dernier avoir appelé ses membres à voter sur sa dissolution.

Cette dissolution prendra une forme à portée historique et associera des personnalités de tous bords afin que sa légitimité ne souffre d'aucune contestation, promettent des sources proches de l'ETA.

"Voilà une organisation qui est en grande partie désarmée, en tout cas elle a remis 3,5 tonnes d'armements. Même si on n'a pas tout retrouvé par rapport à la quantité d'armes qu'on sait être en circulation, il y a une démarche sincère de sa part, le dernier pas qu'on attend est sa dissolution", estime aussi Samuel Vuelta Simon, procureur de la République à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).

"Le plus important lors de la dissolution d'ETA, c'est ce qui sera dit", explique à l'AFP Me Jean-François Blanco, défenseur de nombreux membres de l'ETA.

"Il faut qu'ETA dise clairement qu'elle regrette le sort des victimes innocentes", insiste Me Blanco, avocat par ailleurs de Jean-Noël Etcheverry dit "Txetx", militant altermondialiste et cheville ouvrière du désarmement d'avril 2017 à Bayonne. 

"La souffrance de l'autre"

"Lors de cet acte de dissolution, ETA va sans doute faire mention du GAL (Groupes antiterroristes de libération, NDLR), des aveux extorqués sous la torture, c'est exact, mais le plus important est aussi de reconnaître la souffrance de l'autre", dit Me Blanco.

Dans les années 1980, une soixantaine de militants d'ETA ont été assassinés en Espagne et en France dans des attentats commis par des groupes à la solde de la police espagnole, notamment le Bataillon basque espagnol (BBE), puis les GAL.

Difficile de dire aujourd'hui ce qu'il reste exactement de l'organisation mais, des deux côtés de la frontière, la lutte porte désormais sur le sort des détenus: une petite soixantaine en France et quelque 260 en Espagne.

La dissolution permettra-t-elle de régler leur sort ? "Ce n'est pas un marché. Ce n'est pas +on se dissout, vous libérez nos prisonniers+. En revanche, sans aucun doute, la dissolution favorisera le retour à la normalité de ces personnes-là. La justice tient compte de la réalité du moment", pense le procureur de Bayonne, ancien magistrat de liaison auprès du ministère de la justice espagnol dans les années 1980.

"Une base de travail commence à se profiler: il y a ceux qui ont du sang sur le mains et ceux qui n'en ont pas", ajoute-t-il, rappelant qu'un premier pas vient d'être fait par l'administration pénitentiaire française avec le transfèrement de deux détenus depuis une prison du Nord vers le Sud-Ouest, près de leurs familles.

"Nombre des membres de l'ETA arrêtés ces dernières années n'étaient pas passés à l'acte, surtout chez les jeunes", observe M. Vuelta Simon.

Quant à l'avenir du nationalisme basque, "une dissolution c'est quelque chose qui donne le ton pour tout le mouvement abertzale (patriote en basque), ça va repositionner dans les rails des mouvements de jeunes", croit-il.