Des conditions de détention indignes, facteurs d'insécurité et faisant obstacle à la réinsertion des détenus: la Contrôleure des prisons Adeline Hazan dénonce dans un rapport les conséquences néfastes de la surpopulation carcérale et suggère des pistes pour en sortir.

Hasard du calendrier, ce rapport publié mercredi intervient deux semaines après le plus important mouvement de gardiens de prison mené en France depuis un quart de siècle pour leur conditions de travail et leur sécurité, où la responsabilité de la surpopulation carcérale a été une nouvelle fois pointée.

Pour en sortir, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) présente dix recommandations considérant que "la privation de liberté" doit redevenir une "mesure de dernier recours" et les peines alternatives être développées avec des moyens supplémentaires. Certaines des propositions recoupent des pistes évoquées par la garde des Sceaux dans ses "chantiers pour la justice", attendus en mars au Conseil d'Etat.

Au 1er janvier 2018, 68.974 personnes étaient incarcérées en France pour 59.765 places. Ce nombre s'élevait à 66.089 en janvier 2010 et 48.595 en 2002, souligne la CGLPL.

Cette tendance à la hausse durable contraste avec "le contexte européen" marqué par une "déflation carcérale", souligne le rapport : "en 2015, la France faisait partie des huit pays du Conseil de l'Europe qui avaient des établissements surpeuplés (...) elle est désormais l'un des rares pays européen dont la population pénale continue à augmenter".

Parmi les principaux ressorts de cette inflation, Adeline Hazan, pointe "une plus grande sévérité en matière de répression, une plus grande rapidité dans l'exécution de la réponse pénale" et l'augmentation des personnes placées en détention provisoire (en attente de jugement).

Le principe de l'encellulement individuel est pourtant inscrit dans la loi depuis 1975, mais il n'a jamais été respecté. Au 1er août 2016, seuls 19% des détenus des maisons d'arrêt bénéficiaient d'une cellule individuelle.

"Dernier recours"

"Vous nous demandez de respecter les lois (...) mais vous vous permettez de ne pas les respecter", dénonce à ce propos un détenu de Fresnes cité dans le rapport. 

"J'arrivais à comprendre le fait d'avoir doublé les cellules car nous pouvions encore manger sur une table, nous déplacer un minimum et nettoyer nos cellules. On vient de m'enlever la table (...) afin de pouvoir entasser une troisième personne (...) forcée de dormir par terre (...) Aucune règle n'est respectée, les droits de l'Homme non plus", se plaint-il.

Conséquences de cette surpopulation, une absence d'intimité, la dégradation des conditions d'hygiène, la restriction des promenades et des parloirs ou encore des difficultés d'accès aux soins, énumère Adeline Hazan.

"La surpopulation" est également génératrice "de tensions, tant entre détenus qu'entre ces derniers et le personnel", souligne la contrôleure qui pointe aussi la mise à mal des activités sportives, scolaires, professionnelles ou culturelles et de l'accompagnement social des détenus, pourtant essentiels pour préparer la sortie et lutter contre la récidive.

Face à ce blocage, la CGLPL ne voit pas dans la construction des 15.000 nouvelles places de prison promises par Emmanuel Macron "une solution satisfaisante" mais "une fuite en avant".

Pour elle, la solution passe d'abord par une connaissance précise de l'état de la population pénale et de l'exécution des peines et l'association de tous les acteurs judiciaires et politiques dans une "politique publique" dotée "de moyens propres et pérennes".

"Les juges doivent également être attentifs aux conditions de détentions et s'assurer qu'une incarcération puisse avoir du sens", dit Adeline Hazan qui invite à s'interroger sur le sens des courtes peines, la nécessité d'incarcérer des personnes souffrant de troubles mentaux, d'handicaps lourds, âgées ou en fin de vie.

Elle juge "nécessaire de rénover la procédure de comparution immédiate qui conduit au prononcé d'un grand nombre de peines d'emprisonnement" et prône "une réflexion sur la durée des instructions et les délais d'audiencement" (attente avant un procès) pour "éviter l'allongement inutile des détentions provisoires".

La rapporteur prône enfin la mise en place d'un "mécanisme de régulation carcérale" pour éviter de dépasser un taux d'occupation de 100%".