"Humanité" ou "fermeté": sur les migrants, Emmanuel Macron et Gérard Collomb ont tenu des discours contrastés ces derniers jours, suscitant l'inquiétude des associations qui redoutent un durcissement à venir.

Jeudi dernier, le chef de l'Etat a "appelé à la plus grande humanité" dans la gestion des migrants et assuré que la réforme du droit d'asile faisait partie des "priorités du travail gouvernemental". Le lendemain, il jugeait depuis Bruxelles que "nous devons accueillir des réfugiés, car c'est notre tradition et notre honneur".

Dans le même temps, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb affichait sa fermeté à Calais qualifié d'"abcès de fixation", redisant son refus de tout centre d'accueil des migrants au nom du risque d'"appel d'air" et invitant les associations à "déployer leur savoir-faire" ailleurs.

Le discours a étonné, côté associations. "Je pense qu'il y a une mauvaise compréhension. Je suppose que M. Macron va reprendre les choses en main et dire: réveillons nous", a affirmé Jean-Claude Lenoir, de l'association Salam. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) s'est dite "extrêmement inquiète" des propos du ministre.

De son côté la Cimade, "profondément choquée par les propos de déni et de mépris" de M. Collomb, a réclamé "en urgence" lors de son assemblée générale ce week-end "des orientations claires" au président de la République "pour une politique migratoire d'hospitalité".

Mais pour d'autres, la contradiction n'est qu'apparente.

"Collomb n'a pas fait de gaffe. Ils sont parfaitement raccord", estime Stéphane Maugendre, président d'honneur du Gisti pour qui "Macron tient un discours européen, et un autre national".

"Au niveau européen il veut rester proche de Merkel", avec en filigrane une critique des Etats d'Europe centrale refusant de prendre leur part de réfugiés. Au plan national, le choix est "de laisser un ministre de l'Intérieur omnipotent", qui tient un discours "dans la lignée de ses prédécesseurs", selon lui.

A savoir, le savant dosage entre "fermeté" et "humanité" déjà défendu à Beauvau par Bernard Cazeneuve et Manuel Valls avant lui. "Pour avoir une grande humanité il faut une grande fermeté", et "on ne peut pas accueillir avec humanité lorsque tout à coup on a un afflux migratoire considérable", a fait valoir M. Collomb.

'Lecture binaire'

Car les autorités surveillent étroitement les arrivées depuis la Méditerranée mais aussi, phénomène plus récent, depuis l'Allemagne, où des migrants notamment afghans ont été déboutés avant de venir tenter leur chance en France.

Autre distinction, celle entre "migrants" et "réfugiés", qui s'est un peu brouillée dans le langage courant, voire politique, mais correspond à deux statuts différents.

Emmanuel Macron l'a rappelé à Bruxelles: "les réfugiés ne sont pas n'importe quels migrants, ce ne sont pas les migrants économiques mais des femmes et des hommes qui fuient leur pays pour leur liberté ou parce qu'ils sont en guerre".

Là aussi, la distinction irrite les associations. "Un migrant climatique, est-ce économique ou politique?" demande M. Maugendre.

C'est une lecture "très binaire" qui "rend très mal compte de la réalité migratoire", déplore Jean-François Dubost d'Amnesty International France, en rappelant qu'il n'y a pas si longtemps, les pouvoirs publics affirmaient que les migrants de Calais avaient vocation à demander l'asile.

Le message va-t-il se décanter? Pressé par l'Elysée, le ministère de l'Intérieur travaille à un "plan" sur les migrations, qui sera présenté en Conseil des ministres d'ici quelques semaines. Il s'agit notamment de réformer le droit d'asile qui "fonctionne mal", a martelé M. Collomb.

"La demande de l'Elysée est que le plan soit équilibré", souligne une source proche du dossier.

Conformément à ses promesses de campagne, M. Macron souhaite ramener à six mois l'examen de la demande d'asile, recours compris. 

Le plan devrait aussi comprendre un volet "intégration" (apprentissage de la langue, logement, formation professionnelle...), et la question des "dublinés", ces migrants ayant laissé leurs empreintes dans un autre pays européen censé traiter leur demande d'asile, en ferait aussi partie. La France n'en transfère que 10% environ.