Angela Merkel a entamé son quatrième mandat de chancelière allemande, mais c'est émoussée par six mois d'imbroglio politique qu'elle va devoir répondre aux défis du populisme et de la refonte de l'Union européenne. 

Signe de ses difficultés, elle n'a obtenu lors du vote à bulletins secrets qu'une courte majorité de 364 suffrages, soit neuf voix de plus que la majorité requise mais surtout 35 de moins que les 399 élus conservateurs et sociaux-démocrates de sa coalition.

"C'est plus de +contre+ que ce que j'attendais", a reconnu la présidente désignée du parti social-démocrate Andrea Nahles. "J'aurai souhaité un autre résultat", a admis aussi le chef des jeunes conservateurs, Paul Ziemiak.

Chemise blanche, pantalon noir et collier aux couleurs noir-rouge-or de l'Allemagne, Mme Merkel était néanmoins tout sourire, sous les yeux de sa mère de 89 ans et de son mari. Elle a ensuite prêté serment, alors que le premier conseil des ministres est attendu vers 17H00 (16H00 GMT). 

Le vote de mercredi marque la fin de la plus longue quête de gouvernement dans l'histoire d'après-guerre. En cause, les législatives en septembre qui ont laissé le pays sans majorité claire mais avec une extrême droite en plein essor. 

Finalement, c'est la coalition sortante et mal-aimée réunissant la CDU/CSU de Mme Merkel et le SPD qui est reconduite. Et pour la première fois la question de la succession est posée sérieusement, une partie des conservateurs ayant critiqué leur cheffe pour ses concessions au centre-gauche. 

"La chancelière à souvent été mise au rebut ces derniers mois, beaucoup dans son parti ont été amenés à réfléchir à l'après-Merkel", rappelle la politologue Marianne Kneuer.

Mme Merkel devra aussi diriger un pays bouleversé par l'essor historique de l'extrême droite, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) étant désormais la première force d'opposition. Ce mouvement a su capitaliser sur les déçus du centrisme de la chancelière et ceux outrés par sa décision en 2015 d'accueillir des centaines de milliers de demandeurs d'asile.

Une figure de l'AfD, Leif-Erik Holm, s'est d'ailleurs réjoui mercredi sur Twitter du résultat mitigé de mercredi: "la grande coalition et Merkel se traînent sans envie dans ce qui sera, espérons-le, son dernier mandat".

Pas d'amour

Certains observateurs lui prédisent même une fin prématurée, d'autant que le SPD a prévu un bilan d'étape de la coalition dans 18 mois.

Le ministre désigné des Finances et poids lourd social-démocrate Olaf Scholz s'est lui voulu confiant lundi pour la pérennité du gouvernement, tout en reconnaissant que ce n'était pas "un mariage d'amour". 

En Europe, on espère que la première puissance économique du continent sera vite en ordre de bataille. Angela Merkel doit en effet rassurer ses partenaires sur sa capacité d'action alors que l'Union européenne (UE) est ébranlée par le Brexit, le repli sur soi de certains membres et la popularité croissante des partis anti-système.

La réforme de l'UE figure à ce titre en haut de la feuille de route du nouvel exécutif allemand. Dès vendredi, Mme Merkel sera à Paris pour discuter des propositions du président français Emmanuel Macron qui veut notamment la mise sur pied d'un budget dans la zone euro, accueillie avec peu d'enthousiasme par Berlin. 

- 'Clarté' en Europe -

"Je ne crois pas une seule seconde qu'un projet européen puisse avoir du succès sans ou contre l'Allemagne", a insisté M. Macron, selon une traduction de l'allemand d'une interview publiée mercredi par le quotidien FAZ.  

En vue du Conseil européen des 22 et 23 mars, les deux dirigeants veulent, selon Mme Merkel, "apporter de la clarté sur (...) la prochaine étape".

En Allemagne, la stabilité rassurante longtemps incarnée par Mme Merkel, une fille de pasteur, a fini par se retourner en partie contre elle. Pour certains, elle a mis en danger le pays en l'ouvrant aux demandeurs d'asile musulmans, pour d'autres elle incarne l'immobilisme dans un monde en changement.

Face à la menace de l'AfD, elle a dû donner des gages à l'aile la plus à droite de son parti, promettant de plafonner les arrivées de migrants et accordant une place au gouvernement à son principal critique de la CDU, l'ambitieux Jens Spahn.