Le Parlement macédonien s'apprête à décider s'il rebaptise le pays "République de Macédoine du nord", ce qui ouvrirait la voie à une résolution définitive de son litige avec la Grèce.
Le vote sur quatre amendements constitutionnels, dont l'examen doit commencer mercredi après-midi après un report pour des raisons procédurales, doit intervenir avant la date-limite du 15 janvier.
"Nous pensons que le vote aura lieu vendredi", a toutefois déclaré à la presse un député, Aleksandar Kiracovski, haut responsable du parti social-démocrate (SDSM) du Premier ministre Zoran Zaev.
"Je crois que nous aurons la majorité des deux-tiers" des 120 députés nécessaire pour entériner le changement de nom et ouvrir la voie à une réconciliation avec la Grèce, a prédit le chef du gouvernement.
Le litige ferme la porte de l'Union européenne et de l'Otan à la Macédoine et ses 2,1 millions d'habitants, du fait du veto des Grecs. Ceux-ci contestent à leur voisin, indépendant depuis sa sécession de la Yougoslavie en 1991, le droit de se baptiser "Macédoine".
Ils estiment que c'est le nom exclusif de leur province septentrionale située autour de Thessalonique, accusent les Macédoniens d'usurper leur héritage historique, notamment celui du roi antique Alexandre Le Grand, et les soupçonnent d'ambitions irrédentistes.
Fragiles majorités
Un vote positif mettrait fin à des mois d'un combat politique féroce en Macédoine, avec un référendum consultatif controversé le 30 septembre et une longue bataille parlementaire. La balle passerait à Athènes. Le changement de nom n'entrera en effet en vigueur que si le Parlement grec avalise aussi l'accord conclu au printemps entre Zoran Zaev et son homologue grec Alexis Tsipras.
Ce dernier dispose d'une majorité fragile (153 sur 300), et son allié, Panos Kammenos, ministre de la Défense et chef d'un petit parti souverainiste, a menacé de démissionner.
Mais la victoire ne semble pas non plus jouée d'avance pour Zoran Zaev. Son parti social-démocrate et ses alliés des partis de la minorité albanaise ne disposent pas de la majorité requise des deux-tiers. Ils comptent sur le ralliement d'une partie de la droite (VMRO-DPMNE), comme lors du lancement du processus législatif en novembre.
Cela pourrait notamment être le cas de quatre députés du VMRO-DPMNE qui vont bénéficier d'une amnistie, décidée avant les fêtes, après leur participation supposée aux graves violences commises par des militants nationalistes au Parlement en avril 2017.
"C'est le prix à payer pour un objectif plus haut", a justifié un poids lourd du gouvernement, la ministre de la Défense Radmila Sekerinska, elle-même agressée en avril 2017. Les photos du visage ensanglanté de celui qui devait devenir Premier ministre, Zoran Zaev, avaient marqué l'opinion.
L'absence de Gruevski
Un vote positif signerait une victoire politique pour cet homme, donné affaibli par ses adversaires après le référendum sur le nom. La validité de la victoire du "Oui" (plus de 90%) avait été contestée par l'opposition en raison d'une abstention massive: plus des deux-tiers des électeurs.
Les principaux dirigeants du VMRO-DPMNE restent fermes dans leur opposition et ont prévenu qu'ils exclueraient les dissidents. Mais le parti apparaît fragilisé par les défections et la disparition du paysage politique de son ancien patron incontesté, Nikola Gruevski, tenant d'une ligne intransigeante.
L'ex-Premier ministre a fui en novembre en Hongrie pour échapper à la prison dans une des enquêtes pour corruption et abus de pouvoir qui le visent.
Un échec au Parlement de Zoran Zaev replongerait dans l'incertitude politique ce petit pays pauvre des Balkans et remettrait en cause son arrimage à l'Occident.
A la mi-journée, quelque 200 personnes se sont réunies dans le calme devant le Parlement, répondant à l'appel en forme de malédiction d'un groupe nationaliste, "Les Intransigeants" ("Tvrdokorni"): "Que celui qui est macédonien et de famille macédonienne, de sang macédonien, et ne participe pas à la lutte pour la Macédoine, n'ait pas de descendance, ni de garçons ni de filles."