Le système fédéral, vanté en début de pandémie pour ses réponses ciblées à la propagation du Covid-19, est désormais accusé de semer une confusion qui exaspère les Allemands pour leurs congés d'automne. Ces vacances ont commencé pour certains en octobre et s'étalent jusqu'à début novembre.

C'est le "corona-chaos", résume l'hebdomadaire Focus.

Les 16 Länder, compétents en matière sanitaire, sont en effet libres de fixer leurs propres restrictions, sans que le gouvernement fédéral d'Angela Merkel ait son mot à dire.

- Merkel "insatisfaite" -

Nombre de ces régions, en particulier les moins peuplées, ont ainsi imposé des tests de moins de 48H, couplés parfois à des périodes de quarantaine, aux voyageurs venant de zones allemandes "à risques", celles qui comptent chaque jour au moins 50 nouvelles infections pour 100.000 habitants.

Si ces conditions ne sont pas réunies, les vacanciers ne peuvent être hébergés dans des hôtels ou locations touristiques type Airbnb.

Or ces zones sont de plus en plus nombreuses. L'Allemagne a fait état jeudi d'un record absolu de nouvelles infections avec 6.638 cas de coronavirus en 24 heures.

En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé, un habitant sur quatre, soit environ 4 millions de personnes, vit dans des secteurs à risque. Berlin et ses presque 3,7 millions d'habitants sont également concernés, comme Stuttgart, Francfort, Munich ou Brême.

Les Allemands, que la chancelière et ses ministres pressent depuis des semaines de prendre leurs vacances dans le pays et non à l'étranger, se retrouvent ainsi pris au piège. Et la logique sanitaire de règles permettant de se rendre en Europe ou en Asie mais pas au bord de la mer Baltique ou dans le Brandebourg, le Land rural qui entoure la capitale, leur échappe.

Rendre visite à des membres de la famille est en revanche autorisé dans la plupart des Länder. 

Une réunion de crise mercredi n'a pas permis à Angela Merkel et aux 16 dirigeants régionaux de se mettre d'accord sur une règle nationale commune et la chancelière s'est déclarée "insatisfaite" du statu-quo.

Dans l'attente d'une éventuelle solution lors d'une nouvelle négociation début novembre, la Saxe (sud-est) a décidé de lever l'interdiction d'hébergement, reconnaissant qu'elle n'était pas "proportionnée".

Le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (nord), qui a imposé les restrictions les plus sévères, a lui aussi entrouvert la porte à un assouplissement.

- Décision de justice -

Des vacanciers d'une localité "à risque" de Rhénanie du nord-Westphalie ont eux obtenu d'un tribunal administratif la suspension de l'interdiction d'hébergement imposée par le Bade-Wurtemberg, où ils avaient loué pour les vacances.

Le tribunal a notamment relevé que le Land n'a pas apporté la preuve que les hôtels et pensions étaient des "moteurs" de l'infection.

Des dirigeants de zones classées à risque pointent l'iniquité de ces mesures d'interdiction.

"Nous avons des centaines de milliers de personnes qui font la navette chaque jour entre le Brandebourg et Berlin, ils se croisent dans les magasins, dans les transports, au travail... Et un Berlinois n'est pas autorisé à passer deux jours dans le Spreewald (une réserve naturelle du Brandebourg, ndlr)! Tout cela n'a aucun sens", s'emporte le maire social-démocrate de Berlin, Michael Müller.

Ces règles risquent de plomber un peu plus une économie hôtelière et de la restauration déjà affaiblie par les restrictions engagées dès mars et les obligations de fermeture nocturne imposées ces derniers jours dans de grandes villes.

"Les dangers ne résident pas dans le fait de passer la nuit dans un appartement de vacances à la campagne, ni dans un hôtel en ville", fustige Reinhard Meyer, président de l'Association allemande du tourisme. Il redoute une vague de faillites en 2021 après un manque à gagner qu'il estime à 35 milliards d'euros au premier semestre.

La grogne monte aussi dans les laboratoires et cabinets médicaux submergés par des demandes de tests de vacanciers.

"Il y a des familles qui veulent à juste titre partir en vacances et demandent des tests rapides. Mais il n'y a pas la capacité", prévient Ulrich Weigeldt, président de l'Association des médecins généralistes.