Les Tchèques vont aux urnes vendredi et samedi pour élire leur président et du même coup mettre à l'épreuve leur attachement au chef de l'Etat sortant Milos Zeman, favori au premier tour, mais qui pourrait être battu lors d'un second tour.

M. Zeman, 73 ans, vétéran de la gauche tchèque, pro-russe, pro-chinois et hostile à l'immigration et aux musulmans, brigue un second quinquennat, bravant les critiques de ses propos et gestes souvent controversés.

Huit autres candidats sont en lice, dont son principal concurrent Jiri Drahos, 68 ans, ex-chef de l'Académie des Sciences. Centriste libéral, résolument pro-européen, M. Drahos estime que Prague devrait jouer un "rôle plus actif au sein de l'UE".

Il pourrait battre le chef de l'Etat sortant au second tour, prévu les 26 et 27 janvier avec 48,5% contre 44% grâce aux reports de voix lors de ce vote au suffrage universel direct, selon un sondage réalisé début janvier.

Qui que ce soit, le futur locataire du Château de Prague sera immédiatement confronté au problème de la formation d'un nouveau gouvernement issu des législatives d'octobre 2017.

A la mi-décembre, M. Zeman a nommé un cabinet minoritaire dirigé par le milliardaire populiste Andrej Babis, qui n'est pas assuré d'obtenir la confiance du Parlement. Ce vote, que l'on attendait mercredi, ne pourra intervenir que la semaine prochaine, donc après le premier tour de la présidentielle, la session du parlement ayant été suspendue jusqu'à mardi. 

La Constitution lui permet une deuxième tentative et M. Zeman, dont le mandat n'expire que début mars, a déjà annoncé qu'il allait encore charger M. Babis, son allié politique, de cette tâche, malgré des soupçons de fraude qui pèsent sur lui.

En revanche, la situation politique du pays "changerait radicalement" avec l'élection d'un autre candidat, estime l'analyste politique Jiri Pehe.

Un second tour destiné à départager les deux concurrents restant en lice sera organisé si aucun candidat n'emporte la majorité absolue (plus de 50% des suffrages exprimés) lors du premier tour.

"Votez pour qui vous voulez. Votre vote devrait cependant être fondé sur le travail que les candidats ont fait pour la République tchèque et non sur (...) leurs promesses", a affirmé M. Zeman cette semaine.

"Invasion organisée"

"Il s'agit en fait d'un conflit entre la partie post-communiste de la société représentée par Zeman avec son style, et l'autre partie, disons, moderne, pro-occidentale et qui ne veut tout simplement plus d'actuel président", a dit M. Pehe à l'AFP.

L'homme d'affaires et auteur de chansons à succès Michal Horacek, l'ex-Premier ministre de droite Mirek Topolanek, l'ancien ambassadeur en France Pavel Fischer, le médecin et activiste civique Marek Hilser figurent aussi parmi les rivaux de M. Zeman, tout comme Vratislav Kulhanek, ancien patron du constructeur automobile Skoda, Jiri Hynek, directeur de l'Association de l'industrie de défense et de sécurité, et Petr Hannig, compositeur et chanteur.

M. Zeman, qui a refusé de participer aux débats électoraux, est presque certain d'être présent au second tour, grâce notamment au soutien des milieux ruraux et des travailleurs manuels et peu qualifiés. 

Dans ce pays majoritairement hostile à l'immigration, il trouve un écho favorable en qualifiant la crise migratoire d'"invasion organisée", considérant les musulmans comme des gens "impossibles à intégrer".

Douze migrants

Paradoxalament, la République n'a accueilli jusqu'à présent que douze migrants, dans le cadre du système de répartition de l'UE.

S'il ne dispose pas de prérogatives aussi étendues qu'aux Etats-Unis ou en France, le président tchèque entérine les lois adoptées par le Parlement. Il nomme le gouvernement, les membres du conseil de la banque centrale, les juges et les professeurs d'université.

Au moment de son investiture en 2013, M. Zeman avait promis d'agir pour unir la société, mais ses décisions et opinions politiques parfois controversées ont démontré plutôt le contraire.

Il a aussi affirmé qu'il serait un président actif et l'a prouvé en nommant en juillet 2013, en pleine crise gouvernementale, un cabinet intérimaire composé de ses fidèles, qui est resté en place jusqu'en janvier 2014.

Amateur de cigarettes, de bière et d'alcools forts, M. Zeman est devenu la cible de nombreuses plaisanteries à cause de sa démarche titubante et de son regard vitreux, remarqués peu après son retour d'une réception à l'ambassade de Russie.

L'état de santé du chef de l'Etat, souffrant d'une neuropathie d'origine diabétique et d'ennuis d'audition, et qui marche avec une canne, fait l'objet de nombreuses spéculations.