Le Sénat se prononce mardi en première lecture, par un vote solennel, sur l'ensemble du projet de loi Pacte, après en avoir retoqué plusieurs articles, dont celui prévoyant les privatisations d'Aéroports de Paris et de la Française des Jeux.

Porté par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, le "Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises" a l'ambition de faciliter la vie des entreprises, mieux y associer les salariés et donner de la vigueur à la croissance. 

Décrié par l'opposition comme un texte "fourre-tout", il comporte aussi bien des mesures assouplissant l'épargne retraite, simplifiant les seuils qui déclenchent des obligations fiscales et sociales pour les entreprises, que des dispositions sur la fin programmée des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité.

"Il va dans l'intérêt de l'économie française, dans l'intérêt des PME, que ce texte entre en vigueur le plus vite possible", a plaidé M. Le Maire, à l'ouverture des débats dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg il y a deux semaines.

Mais le ministre a eu beau promettre ou menacer, le "coup de tonnerre" annoncé au Sénat a bien eu lieu: résultat d'une alliance de circonstance entre Les Républicains et la gauche, la haute assemblée a supprimé du texte le projet de privatisation d'ADP, une des mesures phare.

En commission, les sénateurs avaient déjà évacué le projet de privatisation de la Française des Jeux.

Ce coup porté au volet "cessions d'actifs", dont le produit est censé contribuer à alimenter un fonds de 10 milliards d'euros destiné à financer des projets innovants, compromet la conclusion d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire.

D'autant que le Sénat a aussi supprimé l'article 61 modifiant le Code civil pour consacrer la notion "d'intérêt social" dans la définition de l'entreprise.

"Vidée de sa substance"

Pour la députée LREM Olivia Grégoire, présidente de la commission spéciale Pacte à l'Assemblée, "l'équilibre" de la loi "peut sembler en danger" avec cette suppression.

La députée a cosigné avec une entrepreneure, ce week-end dans le JDD, une tribune qui souligne que la loi Pacte est "le fruit d'une collaboration étroite et inédite entre parlementaires et chefs d'entreprise". "Voilà pourquoi nous refusons aujourd'hui qu'au nom d'une vision étriquée de la simplification et de l'efficacité, la loi Pacte soit vidée de sa substance".

"A son retour à l'Assemblée nationale, la loi doit retrouver son ambition (...) car, au sortir de la crise des Gilets jaunes, il est urgent de dire au pays que ses entreprises sont mobilisées au service du bien commun", ajoutent les deux femmes.

Faute d'accord entre les deux chambres en commissions mixte paritaire, c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot.

En commission, les sénateurs ont élagué le texte de nombreux articles considérés comme des "cavaliers" législatifs, harmonisé à 10% l'ensemble des taux dérogatoires du forfait social, créé un nouveau cas de déblocage anticipé de l'épargne retraite, relevé à 100 salariés les seuils du code du travail actuellement fixés à 50 salariés ou encore réintroduit l'obligation de suivi d'un stage pour accompagner l'installation des artisans.

En séance, le Sénat a favorisé la transférabilité des contrats d'assurance-vie et clarifié, avec un avis favorable du gouvernement, les règles de prescription des actions en contrefaçon.

La Haute assemblée a également adopté un amendement du gouvernement visant à modifier l'assiette fiscale des prélèvements sur les jeux de loterie et les paris sportifs. Au passage, les sénateurs ont ressorti l'idée d'exonérer les produits du loto du patrimoine "de toute fiscalité", ce dont ne veut pas le gouvernement.

Le Sénat a en revanche repoussé un autre amendement du gouvernement visant à instaurer une autorisation préalable à l'exploitation des réseaux de télécoms, en vue du déploiement de la 5G, estimant que le sujet méritait un débat approfondi.