Les barrages routiers qui paralysent Mayotte depuis quatre semaines sont maintenus et la grève générale se poursuit, ont annoncé mercredi les organisateurs du mouvement social qui secoue l'archipel de l'océan Indien depuis plus de trois semaines, en dépit d'un accord conclu avec le gouvernement mardi soir.

Alors qu'une délégation des organisateurs du mouvement avait annoncé mardi soir qu'ils demanderaient mercredi à la population la levée des barrages, l'ensemble des membres du collectif et de l'intersyndicale, réunis mercredi avec des représentants de chaque barrage, ont finalement décidé de poursuivre le mouvement, estimant que "des points manquaient" dans l'accord de principe trouvé avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin, notamment en matière de sécurité. 

Tous les organisateurs du mouvement ont dû jurer lors de cette réunion sur le Coran (la population de Mayotte est à 95% musulmane) qu'ils "ne trahiront pas le mouvement".

Au bout de cinq heures de négociations mardi soir avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin, l'un des porte-paroles du mouvement social, Fatihou Ibrahime, avait salué "des avancées réelles". "Le plan de lutte contre l'insécurité est acté", s'était-il réjoui à la sortie des négociations.

"Nous avons demandé 15 mesures d'urgence supplémentaires, la ministre s'est engagée à remettre plus d'Etat sur le territoire", avait-il ajouté.

Parmi ces 15 mesures, qui s'ajoutent à une première série annoncée par la ministre lundi, la lutte contre les attestations d'hébergement et de paternité de complaisance, la mise en place de navires supplémentaire contre l'immigration clandestine, la reconnaissance des associations luttant contre l'insécurité, la lutte contre l'habitat clandestin et le démantèlement des bandes sources d'insécurité.

Mais les organisateurs réclament désormais davantage, comme par exemple que les victimes des actes de violence soient considérées comme des victimes de terrorisme, et accompagnées comme telles par les pouvoirs publics, a expliqué un des porte-paroles, Salim Naoulida.

Ils ont également dénoncé la communication du ministère des Outre-mer mardi soir, qui juste à l'issue de cinq heures de négociations, a annoncé "la construction d'un accord mettant un terme à la crise de Mayotte", alors que les syndicalistes annonçaient qu'ils allaient consulter la population sur la suite du mouvement et demander la levée des barrages au moins pendant un mois, délai sur lequel Annick Girardin s'était engagée pour apporter des réponses en termes de sécurité et de présence de l'Etat sur le territoire.

"Cela a été perçu comme une trahison, j'ai été accusé de tous les maux", a expliqué un autre porte-parole, Saïd Hachim. Il a expliqué que dans les mesures annoncées la veille par la ministre, le sentiment qui prédominait était qu'"il n'y avait pas de sincérité".

Les organisateurs avaient annoncé qu'ils présenteraient l'accord mercredi matin sur la place de la République du chef-lieu Mamoudzou, mais finalement ce rendez-vous n'a pas eu lieu.

Sur le barrage de Koungou, les manifestants avaient assuré avant même la décision qu'ils continueraient à bloquer. "On va rester là jusqu'à ce que l'État comprenne", a dit Said Saindu, 36 ans, fonctionnaire. "Rien n'a été signé, ce ne sont que des paroles en l'air".

Rentrée à Paris dans la foulée de ces pourparlers, Mme Girardin a dit devant les députés n'avoir "jamais pensé que (sa) visite règlerait tout", jugeant que "c'est la confiance qui doit être renouée".

Elle avait souhaité la veille "le retour au calme", alors que se profile dimanche une élection législative partielle.

Première maternité de France

Avant ces négociations, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté à Mamoudzou mardi contre l'insécurité et l'immigration clandestine en provenance des Comores, à 70 km de là, mais aussi pour réclamer davantage d'actions de l'Etat. Entre 200 à 300 manifestants avaient dans le même temps investi le conseil départemental pour dénoncer la "trahison" de certains élus qui avaient accepté la veille de discuter avec la ministre.

Lundi, la ministre avait annoncé une série de mesures en matière de sécurité et de lutte contre l'immigration irrégulière, dont des effectifs de gendarmes supplémentaires.

Elle a aussi évoqué le chantier, qui fait débat, d'un possible statut d'extraterritorialité pour l'hôpital, dont la maternité est la première de France avec chaque année quelque 10.000 naissances d'enfants, pour beaucoup de mères venues des Comores voisines en situation irrégulière. 

"En 2015, plus d'un adulte sur deux vivant à Mayotte n'y est pas né", et les natifs des Comores "représentent 42% de la population du département", selon l'Insee.