Une page se tourne pour le modèle sportif français avec le baptême mercredi de l'Agence nationale du sport (ANS), où l'Etat n'est plus qu'un acteur parmi d'autres, à un peu plus de cinq ans des Jeux olympiques de Paris-2024. Malgré les inquiétudes de nombreux acteurs, à commencer par les conseillers techniques sportifs.

Née non sans mal après plusieurs reports, des réserves du Conseil d'Etat et de sérieuses réticences de Bercy, cette agence censée valider la nouvelle gouvernance du sport français a effectué ses premiers pas avec son assemblée générale inaugurale, puis son premier conseil d'administration au Stade de France. 

"C'est un grand jour pour le sport français", a estimé la ministre des Sports Roxana Maracineanu. "L'Etat n'a jamais été aussi engagé. C'est un objet institutionnel qui, est en plus d'être très adapté à notre problématique sportive, est une réponse parfaite aujourd'hui en sortie de grand débat puisque cette agence va permettre de parler directement aux citoyens.

 
 

L'objectif de l'ANS? Dépoussiérer le modèle sportif français mis en place dans les années 60 et basé sur une tutelle de l'Etat devenue théorique et plus très efficace selon les défenseurs de la nouvelle structure, en confiant le pilotage du haut niveau et du développement des pratiques de masse à quatre acteurs (Etat, collectivités, mouvement sportif et secteur privé). 

C'est notamment au sein de cette agence, et non plus au ministère, que seront décidés les montants des subventions aux fédérations pour le haut niveau.  

L'ANS répond à la demande d'autonomie d'une partie du mouvement sportif, mais pour nombre d'acteurs interrogés, au-delà de l'impératif de réussite à Paris-2024, elle doit pourtant faire face à de gros défis. Le passage des subventions par les fédérations a ainsi pour but de se rapprocher des besoins du terrain mais il alimente également les craintes de clientélisme entre patrons de fédérations et clubs. 

- Un médiateur pour les CTS - 

La volonté du gouvernement de transférer aux fédérations la gestion des 1.600 conseillers techniques sportifs (CTS), ces cadres payés par l'Etat - comme les directeurs techniques nationaux (DTN) et entraîneurs de haut niveau - que de nombreuses fédérations olympiques considèrent indispensables, provoque aussi une levée de boucliers. 

Mardi, une centaine de CTS avaient d'ailleurs protesté devant le Comité national olympique sportif français (CNOSF) où se réunissaient leurs représentants syndicaux, des présidents de fédérations et le président du CNOSF Denis Masseglia, qui est également vice-président de cette nouvelle Agence. 

"L'enjeu est de mobiliser tout le monde, de faire en sorte que personne ne soit mis de côté. Il faut que ces cadres techniques puissent continuer à faire ce qu'ils font depuis des années auprès des fédérations", a assuré la ministre, qui a expliqué vouloir avancer "main dans la main" avec les 1.600 cadres techniques en France et les fédérations. 

"La réflexion est aujourd'hui entamée pour voir comment discuter avec tout le monde pour que les fédérations aient pleinement la main sur leurs moyens humains", a ajouté Maracineanu, expliquant envisager la nomination d'un médiateur pour "mieux comprendre comment tisser et retisser le lien de confiance". 

Pour 2019, l'Agence est dotée d'un budget d'environ 350 millions d'euros, issus du budget du ministère, dont environ 45 millions correspondent à des restes à payer de projets déjà engagés. Ce financement a suscité la semaine dernière des réserves du Conseil d'Etat qui a jugé anormal, pour un groupement d'intérêt public (GIP), que l'Etat soit le seul à mettre au pot.  

Un quart du budget de l'ANS (90 millions) sera consacré à la haute performance, 196 pour le développement des pratiques sportives (dont 160 aux fédérations, 30 aux collectivités).