A la manœuvre de cette cuisine parlementaire, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui sera présent toute la semaine, le président de la commission des lois, Sacha Houlié, et le rapporteur général du texte, Florent Boudié (tous trois Renaissance), chargés de concilier l'inconciliable: les exigences des LR et les lignes rouges de la majorité.
"Ça se bâtit, c'est de la pâte qu'on pétrit jour après jour", apprécie en connaisseur un ministre.
"Nous ne sommes pas très loin d'avoir la majorité sur ce texte", veut-on croire place Beauvau, alors que le ministère voit d'un bon oeil une tribune dimanche de 17 députés LR, se disant prêts à voter son texte "si prévaut l'esprit du projet voté par le Sénat".
L'Assemblée hérite d'un texte fortement durci par la droite et le centre, majoritaires à la chambre haute.
Equiblibre à trouver
Pas assez encore pour les députés LR, qui espèrent aller plus loin, en proposant par exemple d'inscrire dans la loi "que l'article 8 de la Cour européenne des droits de l'homme n'est pas applicable au droit des étrangers".
Au gouvernement, on fait le distinguo entre les "députés LR de base" et la position plus dure du chef de groupe Olivier Marleix. On ne "voit pas très bien comment les LR peuvent voter contre ce texte, sauf à être placés à la droite du Rassemblement national", grince Beauvau.
Renaissance et le MoDem ont déposé de nombreux amendements de détricotage. "On va certainement enlever la moitié au minimum de ce qu'a fait le Sénat", assure M. Houlié. Le troisième groupe de la majorité, Horizons, se disant lui globalement satisfait de la version de la chambre haute.
Mais il reste des insatisfaits sur le fond du projet dans le camp présidentiel: "Quatre à huit députés" méritent une attention particulière, estime-t-on à Beauvau.
Pour se retrouver dans ce maquis, le rapporteur Florent Boudié a rangé les différentes mesures ajoutées par la droite sénatoriale en trois groupes: zones noire, grise et blanche.
Dans la zone noire, les points dont la majorité considère "qu'ils n'ont pas leur place dans le texte".
A l'instar de la suppression de l'Aide médicale d'Etat (AME). Ouvert à une réflexion sur l'AME via un autre texte, Gérald Darmanin estime que la proposition est un "cavalier législatif évident" dans ce projet de loi, qui serait censurée par le Conseil constitutionnel.
Tout ce qui relève du code de la nationalité, ou des mesures concernant les mineurs isolés non accompagnés (MNA), pourrait aussi être supprimé en commission.
Dans la zone blanche du rapporteur: la vérification plus fine des conditions de logement pour le regroupement familial, ou encore la vérification du caractère sérieux des études des étudiants étrangers.
Ultramarins courtisés
Un article particulièrement débattu sera l'article 4 bis (ex-article 3), portant sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension.
Sur ce point de crispation pour LR comme pour la gauche de la majorité, M. Boudié a déposé un amendement qui se veut être un compromis entre le Sénat et la rédaction initiale.
Ce dispositif n'instaure ni une procédure discrétionnaire (à la seule main du préfet), ni un droit automatique à la régularisation (le préfet peut s'y opposer dans certaines conditions), détaille l'exposé des motifs de l'amendement.
Une réécriture qui n'est pas de nature à convaincre la droite de voter le texte. Mais le gouvernement pourrait encore être ouvert à des modifications au cours de la navette parlementaire, comme l'instauration de quotas à 7.000 ou 8.000 régularisations (l'estimation du nombre de personnes concernées par la mesure initiale du gouvernement), ou en tenant compte du taux de chômage des régions.
Le camp présidentiel espère aussi des voix des députés ultramarins.
Comptant déjà ouvertement sur le groupe indépendant Liot à l'Assemblée, on espère place Beauvau que des "députés ultramarins de l'aile gauche, notamment du groupe communiste", composé à moitié d'élus d'Outre-mer, pourront voter pour ou s'abstenir sur le texte.